Yoshua Bengio, prix Turing 2018 et pionner de l'intelligence artificielle
Yoshua Bengio, un chercheur mondialement connu en intelligence artificielle et francophone (car québécois) s'est vu attribué le prix Turing pour ses travaux de recherche en deep learning. Et, en plus, il est sympathique.
J'ai découvert Yoshua Bengio lorsque j'ai assisté à l'édition 2018 de FranceIsAI la grand messe des passionnés de l'intelligence d'artificielle, organisée par l'association du même nom (France Is AI) et France Digitale.
Je n'avais pas d'a-priori sur cette personne, que je découvrais. Mais d'emblée, son intervention m'a paru eu l'air l'une des meilleures des 50 interventions des deux journées de ce congrès. Il était à la fois très pointu, nuancé, didactique et "honnête" sur la réalité de l'intelligence artificielle . De la passion, de l'enthousiasme, mais pas de fantasme ou de naïveté, comme c'est souvent le cas chez les pseudo gourous de l'IA, dont le discours se résume souvent à deux choses: "sans data, pas d'IA" (c'est qui est un contre sens historique) et "ce n'est qu'une question de temps pour que l'IA nous dépasse" (c'est un pur acte de fois, sans aucun fondement scientifique).
Mais j'ai adoré, encore d'avantage l'intervention à distance de Yoshua Bengio lors de France is AI 2019.
Son intervention qui avait lieu en fin de journée était très attendu par les jeunes pionniers de l'IA et s'intitulait "Next steps in Deep Learning for Human Level AI".
Allait-il annoncer que le deep learning allait permettre d'atteindre un niveau de performance proche de celui de l'intelligence humaine ?
Heureusement, il n'en a rien été.
Ouf.
Le premier slide de son intervention résume, bien selon moi, l'état actuel de l'intelligence artificielle ou en tout cas du deep learning.
L'état actuel du deep learning selon Yoshua Bengio
Le deep learning a permis des progrès phénoménaux dans les domaines suivants:
- Reconnaissance d'image
- Reconnaissance vocale et synthèse vocale
- Traitement du language naturel (notamment traduction)
- Jeux
Les limites et défis du deep learning
Attention, cela ne parle qu'aux techniciens de l'IA
- Complexité des échantillons
- Dépendance des modèle au labelling humain (enrichissement par des humains des données qui permettent d'élaborer des modèles d'intelligence artificielle)
- Erreurs stupides et adversial errors (les models d'IA fonctionnent très bien à condition qu'elles évoluent dans un cadre très contraint et produisent des résultats parfois insensés dès lors que le contexte évolue)
- Cela est bien résumé par "Still Far from Human Level AI".
La suite de l'exposé propose, de façon inspirée mais prudente des pistes pour dépasser ces limites.
Mais déjà, ce constat qui va à l'encontre de deux éléments de conscensus de certains gourous de l'intelligence artificielle
- "Sans data, pas d'IA"
- Un "petit pays" comme la France ne peut rivaliser dans l'ère de l'IA avec la Chine et les Etats Unis.
"Sans data, pas d'IA": un non sens
Jusqu'à 2010, les technologies d'intelligence artificielle n'avait pas besoin de données pour fonctionner. C'est une forme d'intelligence artificielle particulièrement, le machine learning qui a besoin de données pour créer ses "modèles" ainsi que sa forme avancée, le deep learning. Or, si le deep learning n'est pas la technologie d'intelligence artificielle ultime et qu'il faut en inventer d'autres pour rendre l'intelligence artificielle plus performante, alors nous re-rentrerions dans un monde où l'intelligence artificielle peut fonctionner sans data (ce qui était le cas de 1950 à 2010).
Société de l'intelligence artificielle: France déjà perdante face à la Chine et Etats-Unis ?
La France avec ses petits moyens dans la course à l'IA (des milliards d'euros face à des centaines de milliards d'euros en Chine et aux Etats-Unis) n'aurait aucune chance attendu que les deux pays ont mis en place un cadre permettant de collecter des données en masse, supposément indispensables à l'IA moderne. Or, non seulement, si les données ne sont pas la matière première de la prochaine génération de technologies d'intelligence artificielle, alors l'avantage sur la donnée des US et de la Chine n'en est plus un, mais surtout attendu que les centaines de milliards investis par ces deux pays dans le machine learning et le deep learning seront investis dans deux technologies qui seront obsolète d'ici 2030, c'est à dire demain.
Vous l'aurez compris, l'auteur de cet article était déjà persuadé de ceci, avant la présentation de Yoshua Bengio.
Mais le fait qu'un authentique expert du deep learning tiennent des propos allant dans ce sens soutient fortement cette thèse.
Pour être complet et précis, la suite de la présentation de Yoshua Bengio ne prédit pas la fin du deep learning, mais qu'il est nécessaire soit de le faire évoluer, soit d'explorer de nouvelles formes d'IA.
Dans les deux cas, cela signifie que le discours simpliste autour de la data, carburant magique de l'intelligence artificielle doit être largement nuancé.
En tout cas, voici une preuve de plus que le monde de l'intelligence artificielle va subir de profondes mutations dans les 20 années qui viennent et que les gagnants ne seront pas forcément qui l'on croit.
A côté des travaux très avancés sur lesquels planchent des chercheurs comme Yoshua Bengio, De nombreux outils émergent qui démocratisent l'intelligence artificielle et permettent à quasiment n'importe qui de devenir un pionnier de l'intelligence artificielle: il y aura des places pour les inventeurs mais pas uniquement. On verra des success stories de super utilisateurs de l'IA, des cadres qui réinventeront leur métier et deviendront 5 fois, 10 fois plus productifs avec l'IA, des visionnaires qui inventeront des produits, des modèles d'organisation reposant sur les technologies inventées par d'autres.
Il n'y a qu'une seule condition pour faire partir de ce "monde là": se former dès à présent pour passer à l'action le plus rapidement possible. C'est le service qu'offre 24pm academy: une formation en ligne à l'intelligence artifiicielle.
Et bonne nouvelle: nous vous offrons le premier cours gratuit, pour vous convaincre que vous aussi avez votre chance et vous mettre le pied à l'étrier.
A propos de Yoshua Bengio
Yoshua Bengio dirige le Mila, un laboratoire universitaire d'intelligence artificielle canadien: le Mila rassemble des chercheurs spécialisés dans le domaine de l’apprentissage profond et par renforcement. Reconnu mondialement pour ses importantes contributions au domaine de l’apprentissage profond, Mila s’est particulièrement distingué dans les domaines de la modélisation du langage, de la traduction automatique, de la reconnaissance d’objets et des modèles génératifs.
Depuis 2017, Mila est le fruit d’une collaboration entre l’Université de Montréal et l’Université McGill, en lien étroit avec l’École Polytechnique de Montréal et HEC Montréal. Dans ses nouveaux locaux du Mile-Ex, Mila crée un espace unique d’innovation en intelligence artificielle et de transfert de technologies qui mettra à profit les interactions avec l’industrie et suscitera l’émergence de start-ups tout en intégrant les impacts sociaux des technologies dans ses projets.
Bengio a obtenu un baccalauréat en génie (génie électrique), une maîtrise ès sciences (informatique) et un doctorat (informatique) de l'Université McGill.
Il a été boursier postdoctoral au MIT (sous la direction de Michael I. Jordan) et chez AT&T Bell Labs.
Bengio est membre du corps professoral de l'Université de Montréal depuis 1993, dirige le MILA (Institut montréalais des algorithmes d'apprentissage) et est codirecteur du projet Learning in Machines & Brains de l'Institut canadien des recherches avancées.
Avec Geoffrey Hinton et Yann LeCun, Bengio est considéré par Cade Metz comme l'une des trois personnes les plus responsables de l'avancement de l'apprentissage profond dans les années 1990 et 2000.
Parmi les informaticiens avec un indice h d'au moins 100, Bengio est celui avec les citations les plus récentes par jour, selon le MILA.
En octobre 2016, Bengio a cofondé Element AI, un incubateur d'intelligence artificielle basé à Montréal qui transforme la recherche en intelligence artificielle en applications commerciales réelles.
En mai 2017, Bengio a annoncé qu'il se joignait à Botler AI, une jeune entreprise montréalaise de technologie juridique, à titre de conseiller en stratégie.
Bengio est actuellement conseiller scientifique et technique pour Recursion Pharmaceuticals.
Récompenses et Distinctions de Yoshua Bengio
- En 2017, Bengio a été nommé Officier de l'Ordre du Canada.
- La même année, il est nommé Fellow de la Société royale du Canada et reçoit le Prix Marie-Victorin Québec.
- Avec Geoffrey Hinton et Yann LeCun, Bengio a remporté le Prix Turing 2018.
Bibliographie de Yoshua Bengio
Yoshua Bengio a participé à la rédaction des ouvrages suivants
- Deep Learning (Adaptive Computation and Machine Learning), MIT Press, Cambridge (USA), 2016. ISBN 978-0262035613.
- "Neural Machine Translation by Jointly Learning to Align and Translate".
- High Quality Document Image Compression with DjVu, In: Journal of Electronic Imaging, Band 7, 1998,
- Advances in Neural Information Processing Systems 22 (NIPS'22), December 7th–10th, 2009, Vancouver, BC, Neural Information Processing Systems (NIPS) Foundation, 2009
- Towards Biologically Plausible Deep Learning, arXiv.org, 2016
- Architects of Intelligence: The Truth About AI from the People Building it, Packt Publishing, 2018, ISBN 978-1-78-913151-2